Lisant l’ouvrage de Yuval Noah Harari, Homeo Deus, un passage m’interpella, arrêtant net ma lecture :
« Quand l’humanité possédera d’énormes nouveaux pouvoirs, quand la menace de la famine, des épidémies et de la guerre sera enfin écartée, qu’allons-nous faire de nous ? Que feront les chercheurs, les investisseurs, les banquiers et les présidents à longueur de journée ? Ils écriront de la poésie ? »
Me prenant à rêver à cette éventualité, je me doutais bien que l’auteur dans les lignes suivantes réfuterait cette possibilité, qui devait lui sembler tout aussi irréaliste qu’extravagante… Je poursuivis ma lecture :
« La réussite nourrit l’ambition, et nos réalisations récentes poussent l’humanité à se donner des objectifs encore plus audacieux. Avec les niveaux de prospérité, de santé et d’harmonie sans précédent que nous avons atteints, et compte tenu de notre bilan et de nos valeurs actuelles, l’humanité se fixera probablement comme prochains objectifs l’immortalité, le bonheur et la divinité (…) Et ayant sorti l’humanité de la brutalité des luttes pour la survie, nous allons chercher à hisser les hommes au rang de dieux, à transformer Homo sapiens en Homo deus ».
Que penser… Dans ce vaste programme, seule la quête du bonheur me semblait quelque peu sensée. La poésie n’offre-t-elle pas un excellent moyen d’y parvenir ? Son invitation à la lenteur, à la rêverie, à la contemplation, n’est-elle pas à elle seule une certaine forme de bonheur ? La poésie est un état d’esprit, un art à exercer.
Je me prit à rêver d’un monde où la poésie primerait sur le profit… Un monde où la poésie serait un absolu, un idéal…
Une fois que nous serons revenus de cette course effrénée, acharnée – dont le but n’est d’ailleurs pas toujours des plus limpides, ou serait-ce devenu une habitude ? – alors nous pourrons envisager de voir la vie, de vivre la vie autrement.
Un vie dans laquelle la poésie serait notre amie.
Et en attendant, si on lui accordait ne serait-ce qu’un pourcent du temps passé sur nos écrans, je parie que le monde serait radicalement différent.
Seriez-vous prêts à relever ce défi ?
Passer un peu de temps avec Apollinaire, Baudelaire, Rimbaud, Valéry…
C’est sans doute une utopie, je suis néanmoins ravie que le prix Nobel de littérature cette année honore la poésie… Félicitations à vous, Louise Glück !